L-ISA transcende Lomepal à l’Accor Arena

Le frontal impressionnant du système L-ISA avec ses 7 systèmes.

La tournée de Lomepal qui s’est déroulée à guichets fermés, s’est terminée en point d’orgue à l’Accor Arena de Paris par trois concerts exceptionnels. Un public impressionnant qui chantait tout, oui, tous les titres du rappeur français, a créé une très forte proximité au point d’en émouvoir le chanteur dans des moments de communion intense.

L’exceptionnel était aussi dans la technique avec une sonorisation spatialisée en L-ISA sur l’ensemble de la tournée qui pour ses trois dates parisiennes, a joué une démesure justifiée avec au total 216 boîtes L-Acoustics, dont 144 en frontal pour sonoriser l’Arena entière, sans aucun délai.
La vue du système est impressionnante, le son aussi. Découvrons dans le détail cette belle technique fournie par Melpomen B-Live (L-ISA) et par Don’t Give up (régies et backline), avec Vladimir Coulibre, Etienne Tisserand, Sylvain de Barbeyrac et Manu Mouton.


De gauche à droite ; Vladimir Coulibre (Ingénieur Système et L-ISA), Etienne Tisserand (Déploiement Système) et Sylvain de Barbeyrac (Ingénieur FOH).

SLU : Le système L-ISA que nous allons découvrir ici est identique à celui utilisé sur l’ensemble de la tournée ?

Vladimir Coulibre : L’implantation L-ISA est la même pour l’ensemble des concerts de la tournée, hors festivals. Elle nous permet de sonoriser toutes les salles sans utiliser aucun rappel. Ici à l’Accor Arena, le seul paramètre qui change est le nombre d’enceintes utilisées dans chaque ligne parce qu’on doit projeter jusqu’à 105 m. L’Accor Arena est une salle parmi d’autres et il n’y a pas de raison de changer le setup. Nous avons juste fait le complément pour gérer sa profondeur.

SLU : Peux-tu nous décrire le système L–ISA mis en place ici ?

Vladimir Coulibre : Dans un système L-ISA, nous avons le frontal qui contient le système scène, qui correspond plus ou moins à la zone de performance (groupe), et les extensions qui correspondent à l’extension du panorama. Nous sommes ici dans une configuration frontale de 5 plus une extension. Cela fait donc 7 systèmes.

Les trois centraux sont composés chacun de 18 enceintes K2, complétés de chaque côté par 2 systèmes de 24 KARA II, pour finir aux extrémités par 2 systèmes de 18 KARA II. Nous complétons avec 24 subwoofers KS28 en central suspendus à l’arrière et tout l’environnement du bas que nous adaptons de manière à parfaire la couverture sonore sur l’audience en front de scène.


Le frontal immersif du L-ISA, c’est ici les 3 systèmes centraux en K2 et aux extrémités les 2 systèmes en KARA II. Orienté différemment, l’outfill en 12 K2 et 4 Kara II couvre les gradins excentrés et en dehors de l’immersion. Remarquez les LA-RAK II accrochés derrière chaque ligne.

Nous avons aussi ajouté des subs au sol mais, avec la scène qui est asymétrique, nous les avons positionnés comme nous pouvions pour gérer les contraintes de scénographie et de visuel. Tous les subwoofers sont en cardioïde.


Les subwoofers au sol et les KARA II pour le front fill, pas si simple sur une scène asymétrique.

Nous avons ensuite des KARA II en front fill pour couvrir jusqu’à la jonction avec K2, et sur le côté des A15 en stéréo fill classique. Le processeur L-ISA gère l’ensemble des enceintes.


En complément des Kara II, quatre A15 Focus avec un raccord parfait de boîte en boîte, servent d’infill et front fill extérieur.

SLU : C’était comment sur la tournée ?

Vladimir Coulibre : Sur la tournée nous étions avec le même kit, mais dimensionné pour des jauges Zéniths. Nous avions une base de 12 K2 au lieu de 18 K2 ici à Bercy. Tout le reste était mis à l’échelle en conséquence.

2,7 tonnes de subwoofers KS28 en cluster central. Deux fois 12 subs en montage cardioïde +3-1. C’est gros, précis et ça va loin.

SLU : Comment définir le nombre d’extensions de panorama ?

Vladimir Coulibre : Techniquement nous pouvons faire ce que nous voulons. Nous pourrions aller jusqu’à 11. Le système L-ISA doit pouvoir être exploité au quotidien, rentrer dans une économie de tournée et dans des contraintes de montage. Sur cette tournée dans ses salles de type Zénith, nous nous sommes arrêtés à 7 systèmes, ce qui est largement suffisant et performant.

SLU : Les subwoofers sont toujours au centre ?

Vladimir Coulibre : C’est une recommandation de les placer au centre pour augmenter l’homogénéité de la spatialisation et le couplage avec K2. Dans les salles où il est impossible d’accrocher autant de subs au centre, je les mets au sol. Ils sont alimentés par un downmix mono.
Pour ce soir, ceux du sol sont gérés par un départ Aux dans L-ISA pour les décoréller des subs accrochés et éviter un notch entre les deux sources du haut et du bas, ou du moins qu’il soit le moins perceptible.


Les trois LA-RAK II AVB accrochés à l’arrière de l’astucieux IPN conçu pour la tournée, 36 canaux d’ampli sans concession pour 24 K2…

SLU : Et les racks d’amplification sont en l’air ?

Vladimir Coulibre : Oui. Nous avons l’amplification en LA-RAK suspendue derrière chaque système pour gagner en hauteur et limiter le câblage. Chaque système est alimenté par une 32 tri, de l’AVB primaire et secondaire, du câble AES pour l’analogique ce qui fait une troisième redondance et le laser. Dans l’AVB, nous passons l’audio et le contrôle.

SLU : Il n’y a pas de systèmes en surround ?

Vladimir Coulibre : Pour concevoir un design 360 immersif, il faut partir de la contrainte pour déterminer ce qu’il est possible de réaliser. Faire du surround dans une grande salle imposerait d’installer des systèmes plutôt imposants pour l’exploiter, ou, si ce n’est pas le cas, cela sous-entendrait qu’il serait utilisé seulement pour la diffusion d’éléments sonores plutôt discrets. Sur cette production, cela n’avait pas de raison d’être, autant artistiquement qu’au niveau du coût, de la faisabilité et du montage.

Chaque musicien a son sub pour de belles sensations dans le bas !

SLU : Et pour les retours sur scène ?

Vladimir Coulibre : Sur scène, il y a deux side et chaque musicien en plus des ears a un subwoofer en renfort de présence. Des retours sont positionnés sous toute la longueur de la passerelle ce qui permet à Lomepal d’avoir un bon retour aux positions qui sont marquées quand il enlève une oreillette. Les récepteurs des ears sont du Wisycom.

Ahh le bon vieux caillebottis galva ET sonore.

SLU : Je vois de beaux micros sur scène !

Sylvain de Barbeyrac : Le choix de micros c’est une histoire de couleur. Je mélange du vintage avec du très moderne comme du DPA, du Royer et du Schoeps, pour colorer les prises comme en studio.

Microphones vintages et modernes sur les amplis pour produire le son en fonction des titres.

Pour les guitares par exemple, il y a toujours deux micros par ampli. Comme ça je peux changer de son quand je veux. J’aime beaucoup les anciens 421 et 441 de Sennheiser, mais aussi les anciennes séries des micros Beyerdynamic comme le M201 ou le M160, il y en a 6 sur scène.

Toute la HF micro est en Shure avec une capsule KSM11 sur la voix lead que je passe dans un channel strip Rupert Neve Shelford installé dans la régie retour pour que nous ayons tous le même son. Je traite le moins possible la voix et privilégie le choix de la capsule pour obtenir le bon rendu.


Les racks « retour » avec le Shelford Channel sur la voix de Lomepal, visible sous les récepteurs Shure dans le rack de gauche.

Cependant, de nouveaux outils comme le plugin Soothe Live de Oeksound, m’ont beaucoup aidé à obtenir un résultat très proche de ce que j’aurais fait en studio. Comme ce show est entièrement joué live sans aucun ordinateur ni bande, la manière de capter chaque source est essentielle.
C’est la raison pour laquelle j’utilise des préamplis Rupert Neve Design RMP-D8 sur les synthétiseurs ou encore des 5211 sur les micros de la batterie.

SLU : Et de la console au processeur L-ISA ?

Sylvain de Barbeyrac : Nous sortons de la console Avid Venue S6L avec 3 flux MADI vers le processeur L-ISA qui envoie ensuite l’audio vers les contrôleurs amplifiés en AVB.
Nous avons un deuxième processeur en spare, qui d’ailleurs n’a jamais eu à servir. Chaque objet de spatialisation est nourri par le post fader de chaque piste, au nombre de 96, en sortie directe. Il me reste quelques canaux que j’utilise pour des effets.


S6L au mixage, MADI vers le processeur L-ISA.

J’ai construit ma console comme une console de mix en stéréo mais sans traiter les groupes et master, en gardant tous les traitements au niveau des voies, pour me permettre de mixer en festival où je n’ai pas de diffusion en L-ISA mais en gauche / droite. Nous avons fait en tout 46 dates en L-ISA dans les Zéniths en configuration pleine.

SLU : Le logiciel L-ISA Controller se veut simple d’emploi ?

Vladimir Coulibre : Oui, c’est le but. Nous avons un onglet “Soundscape” qui montre le paysage sonore. Les pointillés sont les axes des hauts-parleurs et le blanc c’est la scène, la zone de performance, que nous ajustons pour que la spatialisation soit en raccord avec le réel du plateau.

La partie de la régie FOH de Vlad, avec de gauche à droite LA Network Manager, L-ISA Controller et M1.

Tous les points numérotés sont les objets, que nous pouvons grouper si nécessaire. Un onglet donne accès aux snapshots que Sylvain commande depuis la console.
La collaboration est importante entre l’opérateur L-ISA et l’ingé son. Je vais le seconder en déplaçant par exemple l’objet du guitariste, lorsqu’il descend sur le proscenium. Nous pourrions aussi commander chaque objet par un plug-in à partir de la console, mais comme il n’y a pas de séquences sur cette tournée, le séquençage manuel des snapshots et quelques suivis de musiciens suffisent amplement.


Les 7 systèmes du frontal immersif dans L-ISA Controller.

SLU : Quel algorithme L-ISA utilise-t-il ?

Vladimir Coulibre : La base d’algorithmie est du VBAP dans le frontal. Est intégrée aussi une base WFS pour le traitement des “spatial fills” pour les enceintes en front fill car le VBAP étant un multipan, il est plus difficile à utiliser sur une distance très large et peu profonde.

SLU : Et pour les autres routings hors du frontal, comment ça se passe ?

Vladimir Coulibre : Tout ce qui est réduction mono, stéréo ou LCR, nous n’avons pas besoin de le voir car nous n’agissons pas dessus. Le processeur L-ISA génère tous ces mixages de réduction sans que nous n’ayons rien à faire.


Les mixdowns sont auto-gérés par L-ISA.

Les subs au sol qui, comme évoqué plus haut, sont sur un Aux, et le front de scène, sont ainsi gérés dans ces mixdowns. Nous disposons aussi d’un Stereo Mapper que nous utilisons par exemple pour le son de la première partie. Ce n’est pas un objet, cela part directement dans le processing du L-ISA. Tout reste très simple pour l’opérateur.

SLU : Je suppose que cela change la façon de mixer ?

Sylvain de Barbeyrac : Je ne somme rien dans la console, donc c’est très différent du traditionnel gauche / droite. Le contrôleur L-ISA est très simple et pour ma part très facile à prendre en main. Je ne connais pas tous les aspects du logiciel mais ce dont j’ai besoin quand je mixe est facilement disponible, ce qui permet de prendre la main sur les objets pendant le mix pour les déplacer. Je fais en sorte que la localisation de chaque source soit en rapport avec le placement des instruments et des musiciens sur scène.

SLU : Quels paramètres pouvons-nous utiliser sur les objets ?

Vladimir Coulibre : Le premier est le panoramique qui va nous permettre de déplacer l’objet de jardin à cour. Nous pouvons aussi le reculer pour l’éloigner au lieu de le baisser à la console. Il perd alors du niveau en amplitude et prend du roll off dans les hautes fréquences. Une autre fonction permet de snaper les objets.

Comme on est sur une base de VBAP et en 2D, quand on bouge un objet il est dans maximum deux enceintes avec l’outil Pan. Le snap permet de mettre l’objet dans une seule enceinte (un système NDR). C’est important et en correspondance avec l’approche de l’immersif chez L-Acoustics, basée sur le haut-parleur.
Le design du système a une part décisive pour le rendu sonore spatialisé. Ceci permet de placer un son dans une seule enceinte pour supprimer toute interférence et utiliser les caractéristiques de projection maximales du système. C’est ce que nous faisons avec la voix de Lomepal qui est snappée au centre pour une intelligibilité à 100%.


Les paramètres d’objet et les snapshots avec en objet 62 snappé, la voix d’Antoine Valentinelli alias Lomepal.

SLU : Un objet peut être diffusé par plus de deux enceintes ?

Vladimir Coulibre : Avec le panoramique, 2, en snap 1. Ensuite tu peux utiliser le Width pour « étirer » dans ton panorama. La localisation est gardée parce que l’énergie est toujours placée sur l’objet. Cela le rend un peu plus diffus. Comparé à la WFS, l’approche est différente. Dans les deux cas, il faut couvrir l’audience et placer les objets pour une meilleure perception. Avec l’utilisation du Width, ton objet peut être alors réparti sur plus que deux enceintes.

SLU : Si tu snappes un instrument à l’extrême gauche, est-ce que tout le monde le perçoit correctement ?

Vladimir Coulibre : Oui. Le frontal est de base immersif, parce les objets sonores y sont décorrélés les uns des autres et l’ingénieur du son va donner la possibilité à l’audience de décider de se focaliser sur tel ou tel objet. Si je fais le choix de regarder la guitare je me focalise dessus et je la capte parfaitement. En réalité, l’immersif n’est pas unidirectionnel mais bidirectionnel. Il dépend de ce que tu envoies et de ce que les gens reçoivent suivant ce qu’ils décident de regarder.

C’est mon travail de faire que le design et la répartition entre les systèmes puissent être les plus équivalents en terme de perception sur l’audience. Nous optimisons sur le système les angles inter-éléments (répartition d’énergie), sur la directivité horizontale (modification mécanique + preset dans la ligne) et sur l’angulation horizontale des systèmes (couverture entre chaque système).


Le système frontal dans Soundvision avec un écart de 10 dB entre le point chaud face à la scène et le haut des gradins.

SLU : Les systèmes d’enceintes dans le frontal ne sont pas alignés sur la même ligne ?

Vladimir Coulibre : Ehh non. Le premier système au centre est droit, avec une dispersion horizontale de 110°. Ceux qui sont à côté vont être légèrement angulés vers le centre. Quand on est à droite dans l’audience, on bénéficie donc aussi du système de gauche.
Il y a une relation de distance à l’objet en tant que spectateur qui devient complètement naturelle. Cela peut être minime ou un peu plus marqué suivant le design des systèmes que l’on va mettre en place et faire dans Soundvision.

SLU : Soundvision prédit la qualité de la spatialisation ?

Vladimir Coulibre : Oui. En plus de fournir toutes les informations classiques des systèmes L-Acoustics : couverture, SPL, réponse en fréquence, poids, il délivre une métrique supplémentaire pour définir la zone L-ISA et la pression acoustique qu’on y trouvera.
Des datas de position s’importent ensuite dans L-ISA Controller qui gère la notion de la position de la source versus la position des objets et dans LA Network Manager pour la gestion du niveau, temporelle et fréquentielle. C’est dissocié car chacun a un travail particulier à effectuer.


Le rack L-ISA avec le P1, les switchs AVB LS10 et les deux processeurs L-ISA.

SLU : Vous êtes les seuls à utiliser cette disposition d’enceinte ?

Vladimir Coulibre : Il me semble oui, en termes d’approche système. C’est l’approche haut-parleur. Mais je ne connais pas toutes solutions qui existent (rires) L’immersion en studio tu as un sweet spot.
En live, tu as une performance, un système et une audience. C’est une autre façon d’aborder l’approche système pour le son spatialisé. C’est lié aussi aux enceintes que nous utilisons.

SLU : A ce propos, comment cales-tu un tel système ?

Vladimir Coulibre : Comme un gauche / droite traditionnel. De la temporalité, de la balance tonale, et du lissage de fréquences. Le principe est que je livre à Sylvain la même balance tonale tous les jours dans chaque salle. Une petite salle, peu d’enceintes, une grande salle, plus d’enceintes.

Le processeur P1 et le logiciel M1 permettent de faire les mesures acoustiques. Je place un micro au centre et teste tous les systèmes par des mesures séquencées. Ensuite, je fais de la multimesure pour lisser les variations tonales entre les K2, les KARA et les extensions. Les délais que je configure ne concernent que les enceintes hors zone immersive.


Un calage qui maintient l’équilibre tonal demandé dans toutes les salles, révélateur ici du style musical.

SLU : Donc, dans ce système, tu n’ajoutes aucun délai ?

Vladimir Coulibre : Dans le frontal, non. Le but est d’avoir le moins d’interférences et moins de détimbrage sur les objets. Quand on en place un entre deux enceintes, on a forcément des interférences. Mais par le fait que la distance est faible entre les systèmes, elles sont peu décelables.

Indicateur de qualité L-ISA dans Soundvision, ici lors du concert à l’Arena de Bordeaux, une salle dont la forme est parfaite en immersif frontal. 90% de couverture et 82% de couverture L-ISA !

C’est d’ailleurs un des critères quand on fait le design, nous avons des gabarits et un logiciel utilitaire qui nous donne les distances idéales. Dans les différentes salles où nous nous déplaçons, la distance entre les systèmes reste identique. C’est obligatoire pour que le design fonctionne et que Sylvain retrouve toujours son mix.

SLU : SI jamais tu dois aller dans une salle ou les enceintes doivent être placées différemment ?

Vladimir Coulibre : Si tu passes d’une grande salle à un théâtre, c’est une autre implantation, il faudra changer et retravailler ton mix, c’est comme ça. Ce que nous voulons c’est une constante sur les dates. Nous n’avons rien changé sauf pour les extensions que parfois nous avons rapprochées. L-ISA permet de garder le même setup, simple, fluide et pratique.

SLU : Qu’est ce qui a motivé le choix d’une diffusion L-ISA sur cette tournée ?

Sylvain de Barbeyrac : Nous avons enregistré l’album en live, dans une configuration très proche du setup que nous avons aujourd’hui pour ce concert ; pas d’ordinateur ni de séquences. L’envie de gagner en précision et en image sonore est vite venue dans ma tête et j’ai rapidement évoqué l’idée de proposer une diffusion spatialisée.
J’espérais pouvoir retranscrire au mieux le son du groupe et de chaque instrument. J’en ai parlé avec Vladimir puis Lomepal et la production est venue assister à la présentation d’un système L-ISA chez L-Acoustics. C’est ensuite allé très vite. L’artiste était convaincu !

SLU : C’est l’artiste qui donne le feu vert ?

Sylvain de Barbeyrac : Lomepal est très attentif à tous les corps de métier, lumière vidéo et son. Il est aussi co-producteur de son spectacle. Avec le système L-ISA, la voix vient toujours de la même direction et est toujours très intelligible, partout dans la salle. C’est l’une des premières choses qu’il a remarquées.

SLU : La décision était prise ?

Sylvain de Barbeyrac : Oui ! En sachant que nous devrions passer des Zéniths aux festivals de l’été et à la stéréo, sans nouvelle résidence. J’ai donc construit la console comme si j’étais en stéréo avec des groupes et un master sans aucun traitement dessus. Je ne traite qu’au niveau des voies. Quand nous sommes passés aux festivals, la console était déjà prête et ça a très bien fonctionné.


Le recul de la régie FOH, révélateur de l’efficacité de la diffusion immersive par objets.

SLU : Ça doit faire bizarre de passer du L-ISA à la stéréo

Sylvain de Barbeyrac : C’était assez excitant en fait. Les setlists et les spectacles sont différents. Mixer en stéréo durant l’été a fait évoluer le mix dans un sens très positif. J’ai mémorisé la console au fil des festivals et quand on est revenu dans les Zéniths, j’ai pu en bénéficier et améliorer mon mix L-ISA.

SLU : Un surcoût ?

Vladimir Coulibre : Oui. Passer une étape qualitative a toujours un prix. Nous sommes environ à 25% de plus. Il faut intégrer comment le public va se l’approprier. Cette augmentation prend tout son sens par l’amélioration de la qualité d’écoute sur 80% des gradins en Zénith. Le gain est énorme. Le public vient nous dire que ça sonne bien, beaucoup plus qu’en stéréo.

SLU : Mixer en immersif, c’était une première expérience ?

Sylvain de Barbeyrac : Oui, je ne connaissais ni le logiciel ni la manière de gérer un système immersif en live. J’avais en revanche de bonnes notions du mix objet Dolby Atmos et 5.1 en studio. Nous avions en répétition un studio séparé avec un système stéréo et un système L-ISA composé d’enceintes plus petites, mises à l’échelle pour reproduire la même signature sonore qu’un K2 + KS28. J’enregistrais les musiciens qui répétaient dans le studio voisin, ce qui me permettait de travailler de mon coté…


Mise à l’échelle du système L-ISA lors des répétitions.

SLU : Vous connaissez cette salle, qu’est-ce que ça change de travailler en L-ISA ?

Vladimir Coulibre : On apporte de l’intelligibilité, de la localisation, le respect du timbre et la possibilité de faire des choses dans les panoramas qu’on ne pourrait pas faire autrement. C’est du plus pour le public.

SLU : Quand tu mixes avec L-ISA, cela change beaucoup de choses à la console ?

Sylvain de Barbeyrac : Vraiment. J’ai bien moins besoin de produire ou de sortir des éléments bloqués dans une image sonore très chargée. Par exemple, je n’ai pas besoin de forcer la caisse claire, qui est souvent un sujet en gauche / droite. Comme ici elle est placée dans son système localisé, je n’ai pas besoin de la forcer. En stéréo comme on met beaucoup de choses au même endroit, on fait beaucoup d’égalisation et de compression. Ici je fais plutôt des corrections légères.


Les groupes d’objets très pratiques dans L-ISA, ici la batterie.

Avec le recul, c’est plus facile de mixer en L-ISA qu’en stéréo, parce je suis moins dans la surproduction de chaque élément. Je suis beaucoup plus dans le naturel, et si ça ne marche pas comme ça, je remets en question le choix d’un micro ou le son qui pose un problème dans l’arrangement.

Je me suis rendu compte que des synthés ou des guitares très stéréo s’avéraient très efficaces aussi en mono pour les localiser à une position précise, ce qui, dans le son, se traduit par une netteté impressionnante. Cela permet de faire un mix beaucoup plus fin.

SLU : Et sur la voix ?

Sylvain de Barbeyrac : C’est le gros atout du système pour moi, surtout pour ce style musical où les paroles doivent être parfaitement intelligibles. Où que l’on soit dans la salle, on ne la perd pas. Même dans les gradins à 105 m, c’est impressionnant, la voix est là.

SLU : Des changements au niveau dynamique ?

Sylvain de Barbeyrac : La différence principale est que je dois gérer la dynamique de chaque élément sans utiliser des bus, mais suivant leurs propres besoins. C’est très intéressant et stimulant de devoir changer ses habitudes, ça fait parfois douter, mais on sort d’une certaine routine dans la manière de mixer et ça m’a beaucoup plu. J’ai appris à écouter différemment et je pense que ça a eu un impact sur la manière dont je mixerai les concerts en stéréo dans le futur.

SLU : …et plus de liberté ?

Sylvain de Barbeyrac : J’ai un VCA qui gère tout sauf les voix, et plusieurs fois pendant le concert je descends tout le mix à un nouveau niveau. C’est difficile à faire comme effet en stéréo car je perdrai trop en intelligibilité. Là, ça fait du bien de pouvoir utiliser la pleine dynamique. Tu peux emmener le public dans une forte intimité et ensuite les saisir avec beaucoup de dynamique.


La spatialisation permettait de suivre les avancée des musiciens sur le proscenium.

SLU : C’est donc plus confortable pour le mixeur ?

Sylvain de Barbeyrac : Avec cette notion de focalisation des instruments, c’est facile à prendre en main. J’ai aussi utilisé des effets de pan liés au bpm qui sont déjà préparés sous forme de presets pouvant être édités. Sur certains morceaux, le mix est plutôt fixe, sur d’autres, beaucoup plus mobile.
J’étais un peu frileux en début de tournée, je ne voulais pas trop exploiter le côté spectaculaire. Mais je me suis rendu compte au fil des concerts que certains effets spatialisés rendaient le mix plus vivant. Cela permet de faire un beau relief tout au long du show avec des moments spéciaux qui créent de l’émotion.


L-ISA donne accès à des effets éditables.

SLU : Pour les réverbérations tu fais comment ?

Sylvain de Barbeyrac : Comme d’habitude. Je n’ai pas changé ma façon de faire mes effets si ce n’est que je les entends mieux. Pour la voix de Lomepal, j’ai localisé la réverb dans son système. Idem pour les chœurs. C’est très intéressant car les effets de chacun ne brouillent pas ceux des autres.

Les effets artistiques plus larges et impressionnants, je les place dans les extensions. En revanche je n’utilise pas la réverbération “Room Engine” du processeur L-ISA car dans les Zéniths qui sont très résonnants, cela ne s’y prête pas. Si nous étions dans un théâtre beaucoup plus mat nous pourrions l’envisager.


Une pression et une spatialisation sous contrôle pendant le show.

SLU : L-ISA permet d’avoir de l’impact ?

Vladimir Coulibre : La notion de dynamique est liée est liée au cheminement de l’audio (prise de son, traitement console, enceintes) mais aussi à la temporalité.
Quand on est capable de mettre des objets dans n’importe quelle enceinte, on maintient une intégrité temporelle à 100 %. L’auditeur reçoit tout parfaitement bien.
Nous n’avons pas d’outil pour mesurer cette intégrité temporelle. Mais elle reste très importante. C’est cette dynamique qui donne cette sensation. C’est une liberté d’avoir cette quantité d’énergie qu’on a rarement en gauche / droite. On en gagne beaucoup avec L-ISA.

SLU : Cela peut-il améliorer la qualité de diffusion dans certaines salles ?

Sylvain de Barbeyrac : Oui, on a moins de difficultés dans des salles réputées compliquées acoustiquement. On génère moins de problèmes en L-ISA aussi parce qu’on les excite moins en niveau sonore. Dans certaines salles, la différence était vraiment évidente. Je ne suis pas obligé d’être fort en niveau pour avoir de l’intelligibilité.


Même collé au mur du gradin le plus éloigné, l’intelligibilité est parfaite. Vraiment impressionnant !

SLU : Et que dit le public ?

Sylvain de Barbeyrac : En mode gauche / droite, l’absence de commentaires du public à la fin du concert est souvent un bon signe. En spatialisé, le public vient nous dire que ça sonne bien. Les gens n’ont pas forcément conscience de la raison de leur satisfaction, mais ils en parlent et remarquent une différence.
Contrairement au stéréo, nous avons testé et savons que le public vit une expérience bien plus cohérente qu’il soit assis, debout, excentré… c’est un vrai plaisir que de savoir qu’il entend où qu’il soit, le même mix.

SLU : Pour la prochaine tournée on fait quoi ?

Sylvain de Barbeyrac : Cela dépend toujours du projet. On peut faire de l’immersif si le projet en a besoin. Et cela dépend aussi de l’artiste. Il y a beaucoup de paramètres. C’est du cas par cas. Mais à titre personnel avec plaisir.


Vlad avant le show, un petit coup d’oeil sur le patch MADI…

SLU : Est-ce qu’il y a des limites au système L-ISA ?

Vladimir Coulibre : Je parlerais plutôt de contraintes, Les accroches déjà. Nous sommes revenus une seule fois au gauche / droite parce qu’il n’a pas été possible d’accrocher. Rien de grave et en plus cela nous a permis de vérifier, comme nous enchaînions avec les festivals, que le setup marchait bien en stéréo.


En backstage nous croisons Manu Mouton, directeur technique pour Talent Boutique sur la tournée et Etienne Tisserand au déploiement système. Bien sûr nous en profitons pour recueillir leurs impressions.

SLU : En tant que directeur technique pour Talent Boutique, que pensez-vous de l’immersif en L-ISA?

Manu Mouton : Nous avions fait du L-ISA sur Christine and the Queen et déjà avec Vladimir. Le côté 80% de bon son dans la salle pour le public en immersif contre 20% pour le gauche / droite, ça me parle. Même sur les côtés où on est hors système, on sent tout de suite qu’on est dans le son.

SLU : Vous avez conçu un IPN très pratique pour suspendre les systèmes et les racks ampli !

Manu Mouton : Lors de notre première mise en place sur Christine and the Queens, on avait été un peu naïf sur le rig. On avait regroupé sur des points avec des moteurs sous perchés, ça bloquait l’avant-scène avec un effort sur charpente très important, et les amplis étaient au sol. Quand on a dit qu’on remettait ça sur Lomepal, j’avais prévu un budget pour pallier ce problème.
On a décidé de mettre les amplis derrière les enceintes et pour ça on a fabriqué des IPN pour éviter les paquets énormes de câbles. On lève un pont de 32 tri et de RJ, et on arrive avec l’IPN de 2,60 m qui est sur le chariot avec déjà les LA-RAK II pendus avec tout le câblage. On monte un peu, on fixe les enceintes et c’est parti.


Montage du système L-ISA. Bien vu les IPN.

SLU : Grâce à cette poutre IPN, le système a l’air simple à installer ?

Etienne Tisserand : Nous roulons le chariot sous le point moteur, nous accrochons la poutre IPN qui est prête avec LA-RAK II, câblage et bumper. Nous déployons les multi sur un grill d’asservi, qui est à l’arrière.
A chaque stack on a une descente de 14 m, avec un tri 32, 2 RJ45 en AVB pour le primaire et le secondaire, une XLR pour la redondance analogique et une deuxième XLR pour avoir l’inclinomètre du bumper.

Comme on a 14 m de boucle, on est indépendant du grill arrière ce qui nous permet d’être tranquille et de câbler en toute circonstance. Les angles sont préconfigurés, les systèmes d’enceintes montent tout seuls. Les systèmes A15 sont aussi pré-assemblés, il suffit de placer le rack au bon endroit.

SLU : Les racks d’amplis accrochés ce n’est pas problématique en cas de panne ?

Etienne Tisserand : Ce n’est jamais arrivé. Il n’y a pas de différentiel dans les LA-RAK ce qui ne leur permet pas de disjoncter. Il faut juste s’assurer que les armoires sont bien équipées d’un disjoncteur 30 mA.

SLU : Est-ce plus complexe à déplacer et à installer ?

Manu Mouton : Aujourd’hui par rapport à un gauche / droite c’est pareil. En rig, sur les gauche / droite, on a environ une dizaine de moteurs par côté, et avec L-ISA on en a 22 en tout. Pratiquement le même nombre. En termes de déploiement, on a 20 % de boîtes en plus. Grâce à nos IPN, nous pouvons les monter plus simplement et dans tous les sens, cour, jardin, centre. Si on galère d’un côté, on monte de l’autre et ça ne bloque pas l’avant-scène ni ne coupe les accès. Vous pouvez demander à tout le monde, la diffusion en L-ISA n’est un problème pour personne.

Etienne Tisserand : Pour le déploiement, nous sommes trois. Nous avons en tout 216 enceintes et 84 amplis. A deux ça serait compliqué. On décharge à 9 heures et à 11h30 les systèmes sont en l’air. Pour le démontage, une heure et quart pour sortir le kit des Zéniths. Ici ça va être avec plus long. Le lieu est difficile d’accès et on a un peu plus de boîtes de complément.

SLU : Quel retour avez-vous au niveau des salles ?

Manu Mouton : Nous avons beaucoup de retours positifs des directeurs de salles connues comme étant compliquées, qui nous expliquent n’avoir jamais entendu leur salle sonner comme ça. Avec L-ISA on ne met pas de rappel et pas de délai. À Tony Garnier on a juste mis un stack mono en haut du gradin central et aucun délai.


SLU : Pour finir, des contraintes avec L-ISA ?

Manu Mouton : Comme ce système immersif est assez impactant visuellement, j’ai demandé qu’il n’y ait plus aucun visuel de simulation qui ne soit édité sans son intégration. Pour valider son utilisation, j’ai préparé un dossier avec de nombreuses vues 3D pour expliquer ce que nous allons perdre en visuel sur le haut du gradin. Tout le monde a été d’accord et l’équipe lumière a très bien géré. Le seul point discutable est le rigging qui peut s’avérer complexe si on est pas préparé, mais que nous avons pu régler parfaitement grâce à notre IPN…

Etienne Tisserand : C’est une super expérience, un très bon moment, un kit impressionnant. Le cluster central de subs totalise 2,7 tonnes et le plus grand câble HP que nous employons ne mesure que 6 mètres de long. Quand tu commences à monter le frontal, les gens se posent des questions. Le temps de checker, on laisse toutes les enceintes au sol. Quand il est 10h, il y a un mur d’enceintes en plein milieu de la salle et ça questionne. On sent que ce n’est pas encore courant.


216 enceintes pour une diffusion homogène sur l’ensemble d’une Arena sans aucun système de rappel, l’exercice impressionne. Même collé au mur du dernier gradin à 105 m de la scène, la voix de Lomepal est bien présente dans un mix qui garde sa pleine cohérence.
Avec en plus l’épreuve de la longévité et de l’adaptabilité sur une tournée de 50 dates à travers la France, L-Acoustics démontre avec L-ISA et son approche particulière de l’immersif, que le spatialisé n’est pas plus complexe à gérer et même plus facile à mixer.
En témoigne l’enthousiasme de l’équipe avec qui nous venons de partager les impressions et le plaisir d’écoute largement témoigné par le public de Lomepal.

 

Crédits -

Texte : C. Masson - Photos : C. Masson, V. Coulibre, S. de Barbeyrac, E. Tisserand

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